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Réduction des traitements Développer les bandes fleuries pour la lutte biologique

De plus en plus d’études montrent qu’elles rendent de nombreux services écologiques, tout comme les haies. Les données manquant encore pour que leur présence soit la plus efficace possible, des interrogations commencent à tomber.

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Face aux problèmes environ­nementaux et de santé, les agriculteurs et scientifiques recherchent des moyens de ré­duire ou de se passer de pes­ticides de synthèse. Les infrastruc­tures agroécologiques* telles que des bandes fleuries implantées dans les cul­tures font partie des méthodes qui permettent d’atteindre cet objectif. La mise en place d’espèces herbacées florifères offre en effet la possibilité aux pollinisateurs et aux ennemis naturels des ravageurs de se maintenir, de se développer et ainsi d’optimiser les services écosystémiques.

Les bandes fleuries dans les interrangs augmentent la biodiversité, ce qui est attractif­ pour de nombreuses espèces de prédateurs, de parasitoïdes et de pol­linisateurs. Elles fournissent à ces auxiliaires le gîte (des abris) et le couvert (pollen, nectar...). De plus, l’absence de travail du sol dans ces bandes fleuries favorise la présence de divers arthropodes qui vivent en surface comme, par exemple, des espèces de coléoptères ou des araignées qui consomment des larves de ravageurs.

Moins de ravageurs avec des bandes fleuries bien entretenues

Comment rendre la présence de bandes fleuries la plus efficace possible ? où placer les fleurs, à quel intervalle, comment choisir les espèces ? Pour répondre à ces questions, une équipe de chercheurs internationaux a compilé et analysé plusieurs études sur les impacts des bandes fleuries et des haies, à la fois sur la lutte antiparasitaire et les services de pollinisation. Les travaux ont été publiés fin 2020 (voir « À lire »).

Leurs résultats montrent que les bandes fleuries ont amélioré les services de lutte biologique dans les champs adjacents de 16 % en moyenne. Les effets sur la pol­­­li­nisation des cultures et le rendement étaient plus variables. Ils ont identifié plusieurs facteurs importants pour l’efficacité des plantations : les services de pollinisation ont diminué de façon exponentielle avec la distance. Les bandes fleuries de plantes vivaces, plus anciennes, comportant une plus grande diversité, l’ont améliorée. L’effet est renforcé par la présence de certains éléments naturels dans le paysage environnant comme les haies ou prairies à usage extensif (lire l’encadré ci-dessus).

Un effet étudié dans les vergers

Si cette étude n’était pas menée spécifiquement sur les productions horticoles ou les pépinières, on peut imaginer que les résultats seraient les mêmes pour les plantations en pleine terre. Des essais conduits sur les vergers, plus apparentés à la production en pépinière, vont dans le même sens. Ainsi une observation effectuée en France, dont les résultats ont été publiés dans un guide technique en 2018, montrait que jusqu’à 38 % de pré­dateurs de pucerons en plus ont été trouvés avant et après la floraison et sur les pousses de l’année lorsque des bandes fleuries adjacentes étaient présentes, par rapport aux pommiers cultivés sans. Une réduction de 15 % de pommes endom­magées a été observée dans les rangs à proximité des bandes fleuries par rapport aux parcelles témoins. L’étude conclut donc qu’avec des bandes fleuries bien développées et bien entretenues, il est possible de renoncer en moyenne à un ou deux trai­tements insecticides dans les vergers.

Pour les productions en pot, des études sont menées par Astredhor sur les plantes de services dont les avantages semblent similaires (voir « À lire »).

Mais l’amélioration de la lutte biologique n’est pas le seul avantage apporté par les bandes fleuries. Elles favorisent également la présence d’autres espèces telles que les oiseaux ou les chauves-souris. Et la diversité végétale a un impact positif sur la qualité visuelle du paysage, un ar­gument incontournable pour les lieux pratiquant l’écotourisme ou de l’événementiel en tout genre.

Bien choisir les espèces

Selon les ravageurs ciblés, les espèces à implanter dans les bandes florales varient. Certains auxiliaires sont en effet inféodés­ à la présence de plantes spéci­fiques. L’anthémis des champs, le bleuet et le chrysanthème des moissons, par exemple, peuvent héberger de nombreux prédateurs du psylle et de pucerons (Anthocorides, Mirides, coccinelles ainsi que syrphes). L’inule visqueuse, la ronce à feuilles d’orme (Rubus ulmifolius) et l’euphorbe des garrigues sont des réservoirs de parasitoïdes de pucerons. Le souci of­ficinal est intéressant pour attirer les miridés et les syrphes.

Mais le choix des fleurs à introduire ne dépend­ pas uniquement des ravageurs potentiellement présents. Dans les cri­tères à prendre en compte, une faible croissance (des plantes basses et donc tolérantes­ au fauchage répété) et des es­pèces adaptées au type de sol de la par­celle, à l’ombre et aux périodes sèches ou humides. L’utilisation de plantes indigènes et principalement d’écotypes locaux est recommandée. Il vaut mieux également que les bandes fleuries soient composées de plantes bisannuelles et vivaces. Les annuelles ne survivent pas à long terme à un régime de fauche inten­sif et ont besoin d’être ressemées tous les ans. Des graminées peuvent stabiliser la communauté végétale de la bande, mais elles ne doivent pas devenir dominantes et se limiter à 75 à 80 % en poids du con­tenu total.

Des inconvénients potentiels à anticiper

Ces bandes fleuries peuvent toutefois engendrer des inconvénients qu’il est nécessaire d’anticiper. Certaines plantes, à l’instar des légumineuses, peuvent at­tirer des rongeurs nuisibles. Une concurrence peut aussi s’exercer avec les arbres ou les plantes horticoles pour l’accès à l’eau et aux éléments nutritifs. Elle dépend des espèces florales, de la disponibilité en eau et de la distance entre les bandes fleuries et les plantes en production. Toutefois, si elles sont étroites et situées au centre de l’interrang, les problèmes de concurrence seront minimes.

Autre inconvénient potentiel : une végétation plus dense peut entraîner le maintien d’un fort taux d’humidité, augmentant les risques de dégâts par le gel. Les bandes fleuries peuvent donc être coupées en hiver en cas de risques réguliers. Attention aussi aux restrictions sur l’application des pesticides pendant la floraison des bandes fleuries. Le règlement européen CE n° 1107/2009 interdit ainsi les traitements à base de produits phytopharmaceutiques nocifs pour les abeilles.

Pour le coût, il varie en fonction de la semence utilisée et du matériel employé pour les semis et l’entretien. Le prix des mélanges de semences dépend des es­pèces choisies. Les écotypes locaux sont par exemple plus chers que des variétés commerciales, mais sont recommandés car mieux adaptés.

Le retour sur investissement s’établira en fonction du coût des traitements qui auront été évités. Dans le cas des vergers biologiques, il est obtenu dès l’année suivant la plantation, sachant que les coûts de traitement y varient de 250 à 500 € par hectare. Par ailleurs, un système recourant aux bandes fleuries avec des fauches limitées fait économiser aussi bien du temps que du carburant.

Léna Hespel

*Dans les paysages agricoles, des habitats semi-naturels, gérés de manière extensive, ne recevant ni fertilisants ni pesticides.

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